Le 23 mars dernier, le Comité des Droits de l’Enfant a confirmé avoir décidé d’ouvrir une enquête visant la France concernant le sort des mineurs non accompagnés (MNA) sur le territoire national.
Cet organe onusien — sis à Genève et chargé de faire respecter la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) — a le pouvoir d’”[inviter] cet État partie à coopérer à l’examen [des] renseignements” qui lui ont été fournis par deux ONG, le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (COFRADE) et Kids Empowerment. Le Comité de Genève peut également organiser une visite sur le territoire national, sous réserve de l’accord du Gouvernement français.
Le Protocole facultatif qui prévoit que “l’enquête se déroule dans la confidentialité”, et que l’État, loin d’être contraint de coopérer, est simplement “sollicité à tous les stades de la procédure”.
“Avec l’annonce de cette enquête, nous avons franchi une étape essentielle”, estime Armelle Le Bigot-Macaux, présidente du COFRADE. Elle tempère toutefois : “Rien n’est encore joué, car rien ne garantit que le futur Gouvernement coopérera de manière volontaire et transparente pour faire toute la lumière sur la situation alarmante de ces enfants.”
Ni le Comité de Genève ni l’État français ne sont tenus à des calendriers d’avancement de l’enquête. Ces lacunes du Protocole facultatif laissent entrevoir de possibles atermoiements sur ce sujet hautement sensible, à propos duquel la responsabilité des pouvoirs publics ne fait aucun doute.
Une annonce très discrète après un an et demi de silence
En novembre 2020, le COFRADE et Kids Empowerment avaient adressé une “communication” au Comité de Genève, grâce à l’appui de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme — plus particulièrement Mes Camille Oberkampf et Delphine Mahé. Cette communication dénonçait “les violations graves et systématiques” des droits des mineurs non accompagnés sur le sol français.
Un an et demi s’était écoulé sans que le Comité des Droits de l’Enfant n’informe les 2 ONG des suites données à leur communication, et ce, malgré plusieurs relances. Ce n’est qu’il y a quelques jours que Genève a finalement confirmé qu’une enquête serait menée sur le fondement de l’article 13 du Protocole additionnel.
Des enfants non reconnus comme tels et abandonnés à leur sort
Au terme de recherches extrêmement documentées, reposant sur des situations factuelles recensées dans l’Hexagone et en outre-mer, les deux ONG — en collaboration avec Human Rights Watch, Médecins sans frontières, Sorosa, UNICEF France et Utopia 56 — avaient notamment recensé, dans un rapport de 80 pages suivi d’un rapport additionnel soumis au Comité en août 2021, les problématiques suivantes :
- les pratiques visant à injustement considérer comme majeurs des enfants présentant pourtant des documents d’état civil attestant de leur minorité, les privant ainsi de la protection qui leur est due ;
- des conditions d’accueil défaillantes en violation du droit de chaque enfant à une protection inconditionnelle ;
- le non-respect du droit à s’exprimer et être entendu dans la langue de son choix, avec des enfants auditionnés sans interprètes, et sans information préalable concernant l’objet des procédures ;
- le “refus de guichet”, consistant à empêcher un mineur d’accéder à toute prise en charge ;
- la non-prise en compte des besoins de santé, avec des examens médicaux inexistants et des soins lacunaires ;
- la non-scolarisation des MNA, souvent en raison de leurs difficultés à être reconnus mineurs.
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